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22 avril 2010

Niçois et Occitano-Provençaux: Non ! Les aigles ne sont pas des ânes !

Les tentatives d’assimilation par Mistral et le Félibrige

mistral La « récupération » de Nice par la Provence, voulue par la France pour d’évidentes raisons politiques, a pris diverses formes ; la plus perverse fut le prétexte culturel. Sous couvert d’harmonisation l’on tenta en effet d’inféoder la culture et la langue niçoise au Félibrige provençal. Les subtilités dialectales étant affaire de spécialistes, je me bornerai à citer Eugène Ghis, qui dans l’Armanac de 1928 donne sur ce sujet un avis plus qu’éclairé : « Répéter ici que Mistral n’a pu faire entrer le langage nissart dans la grande compilation « Le Trésor du Félibrige », si ce n’est au prix de déformations radicales, m’attirera peut-être nouvellement le reproche de pédanterie. Peut m’en chaut… Les interpolations prétendues nissardes du « Trésor » trahissent outrageusement notre parler et on n’a pas idée, par exemple, au bord du Paillon, de phrases telles que celle-ci : « La bono armo de moun paire me disié » ; elle nous est cependant gratuitement attribuée au mot « amo » du glossaire. On peut se demander pourquoi Mistral, qui avait promis à A-L Sardou de donner aux Nissarts un vrai code de leur propre langage, en est arrivé, sous ce vain prétexte, à parsemer son travail d’une infinité de petites monstruosités dont la plupart prêtent franchement à rire. Or, voici ce qu’il en est. Mistral n’a pas pu réaliser sa téméraire promesse parce qu’il s’est butté, dans son entreprise, à deux difficultés insurmontables. Mistral n’a pas pu parler Nissart parce qu’il ne savait pas le premier mot de notre langue et parce que – afin de se documenter en l’espèce – il s’est adressé à des personnes dont j’ignore les noms et qualités, mais dont je puis dire qu’elles connaissaient le Nissart à peu près autant que Mistral lui-même. La seconde difficulté que Mistral a dû affronter c’est l’impossibilité matérielle de noter les sons du langage Nissart en se servant de la combinaison de fortune au moyen de laquelle les Félibres écrivent les patois provençaux. Entre les deux sortes de parler, l’opposition d’ordre phonétique est si complète, qu’on ne saurait la dissimuler sous une notation commune… On rencontre dans « le Trésor » presque autant d’inexactitudes qu’il y a d’expressions prétendument nissardes et ces inexactitudes ne sont pas purement superficielles ; les erreurs sont foncières… Mistral, en raison de son désir de résoudre le problème de la langue méridionale en un sens unitaire, n’a pas pu introduire dans le « Trésor du Félibrige » le Nissart sous son aspect propre.

Les critères de notation de notre parler eussent été en contradiction avec les critères provençaux. Il eût fallu deux clefs pour déchiffrer les indications de l’ouvrage consacré à l’unité provençale… De tout ceci il ressort indiscutablement que si l’on peut jusqu’à un certain point et sans trop de peine, niveler graphiquement une partie des patois provençaux, on ne peut pas niveler ces parlers avec le Nissart… Pour avoir l’unité, le graphologue a dû détruire le parler dissident et ce sera la morale de mon histoire : quand on veut assimiler, sous quelque rapport que ce soit, le Nissart au provençal, on est conduit fatalement à supprimer le Nissart… »

felibrigeDans le but d’assimiler tous les particularismes du Sud, une association fut créée le 21 mai 1854 par sept poètes provençaux, au « Castelet » de Font-Ségugne à Gadagne, près d’Avignon. Les autorités françaises ne furent pas étrangères à la mise en place du « Félibrige », mouvement culturel censé fédérer les pays du Sud autour de la Provence et donc de la France. S’étant étendu dans plusieurs provinces, le mouvement tenta son implantation à Nice en 1880. Quelques personnalités, pour la plupart étrangères à la ville ou y étant seulement nées (appartenant à la Société des Lettres, Sciences et Arts) fondèrent une « école félibréenne de la Maintenance de Provence », sous le nom « d’Escola Bellanda ». Afin de promouvoir ce cercle profrançais, le 5 mars 1882 la « Maintenance de Provence » tint son assemblée générale à Nice ; en présence de Frédéric Mistral Capouliè du félibrige, de Marius Bourrely, Syndic de la Maintenance et de centaines de « Félibres » provençaux, fut officiellement inaugurée l’Escola Bellanda. Mistral prononça un discours qui avait tout pour heurter les vrais Niçois : « Qui m’aurait dit alors que, peut-être trente ans après en revenant à Nice, je la trouverai française et de plus en plus provençale, avec sa vaillante « Ecole de Bellande » qui arbore dans l’azur de votre golfe merveilleux, le gai drapeau du Félibrige… Que toujours, belle Nice tu t’épanouisses au soleil, pour l’honneur de la Provence, pour la gloire de la France… ». Beaucoup de Niçois furent choqués par le fait qu’une association soit créée à Nice « pour l’honneur de la Provence et la gloire de la France » et que celle-ci porte le nom de « Bellanda », appellation évoquant l’ancien château de Nice, justement rasé par les troupes françaises et provençales… Les Niçois ne comprirent pas non plus pourquoi leur ville « devait s’épanouir pour l’honneur de la Provence et la gloire de la France », alors que la Provence et la France se servaient uniquement de Nice comme bouclier militaire aux frontières et que l’aide économique accordée par Paris était plus que chiche. Nice devait effectivement s’épanouir mais pour elle-même et au bénéfice des Niçois.

Un long combat s’engagea entre les défenseurs de Nice et les Provençaux désireux de niveler les particularités niçoises. En filigrane de considérations culturelles et linguistiques se profilaient évidemment des raisons politiques. À l’époque, il était hors de question de les évoquer publiquement, car l’Etat français pratiquait alors un centralisme quasi-dictatorial ; c’est donc sous le prétexte de défendre les particularités linguistiques niçoises, que beaucoup d’érudits niçois défendirent bec et ongles l’exception historique, qui faisait de leur ville une entité indépendante. Cette lutte laissa bien des cicatrices. L’érudit avocat Pierre Isnard dans un discours prononcé en 1930 (pourtant en l’honneur de Frédéric Mistral) ne put s’empêcher, et à juste titre, d’adresser une flèche acérée aux Provençaux, ainsi qu’un avertissement : « …Le 5 mars 1882, lors d’une assemblée générale de la Maintenance provençale à Nice, le varois A-L Sardou, encouragé par le gouvernement, fonde avec des étrangers à notre province, L’Ecole Bellanda. Cette tentative impopulaire échoue, mais apporte parmi nous un trouble non encore dissipé… Nice a son particularisme qu’elle conserve avec piété et qu’elle défend âprement. Avec son Comté, elle est et entend rester une province spéciale ». Le combat s’articulera un moment autour d’un ouvrage de J. Ronjat : « La grammaire historique des Parlés Provençaux modernes ». Les érudits niçois, à longueur d’articles et de conférences, malmèneront l’auteur, même après sa mort : Eugène Ghis écrivit notamment en 1931 dans les Annales : « La thèse d’unité provençale – toute langue doit être une et systématique – est difficile à soutenir. J. Ronjat n’a ménagé ni fatigues ni talent pour atteindre son but, mais je crois bien qu’il a réussi à mettre en pleine lumière le phénomène contraire… S’il m’était permis de verser au dossier un témoignage personnel, je dirais qu’avec le seul recours de mon tempérament linguistique nissard, héréditaire, j’arrive beaucoup plus aisément à comprendre un texte Piémontais qu’un poème Mistralien. Cela ne signifie pas que mon langage soit plus piémontais ou moins provençal, et vice-versa. Il est nissart voilà tout, et comme tel, il tient de ses deux voisins… ». Suivait une brillantissime démonstration dont l’érudition peut laisser pantois les hommes d’aujourd’hui habitués à une culture plus superficielle.

Stéphane Bosio écrit très justement dans l’Armanach Niçois de 1930 : « Les Niçois, qui ont conservé au cœur l’orgueil de leur patrie, soutiennent au contraire que le Nissart s’est formé comme le provençal, le languedocien etc. : issu de la décadence et de l’altération du bas-latin il est une langue ayant des particularités autochtones, son individualité, apparentée certes au provençal voisin, mais sœur et non pas fille dégénérée de la langue d’outre Var. Un volume, plusieurs volumes de philologie ne suffiraient pas à épuiser cette controverse, ni à convaincre les adversaires. Une victoire des provençalisants serait d’ailleurs sans portée décisive en ce qui concerne la « provençialité » de Nice car, même en admettant démontré que la langue parlée dans le Comté de Nice est identique que celle parlée à Aix, on n’aurait pas démontré ispo-facto que le Pays de Nice soit un pays de sang et de cœur provençal… Il est admis en droit historique que l’identité de langue n’est pas un élément décisif de la formation des groupements sociaux. Les exemples contraires à cette maxime de la communauté de langue créant une communauté morale, sont nombreux au cours de l’histoire et autour de nous : les Pays de Genève et de Vaud, le Val d’Aoste, les Alsaciens parlant allemand mais ne voulant pas être allemands… Et les habitants de langue française de la Tour-Pellis qui accueilleraient d’un large rire piémontais les revendications du Dauphiné… La langue est bien une condition indispensable pour faciliter l’association de la communauté – disent Pasquale Fiore et Pradier Fodéré -, mais elle n’établit pas un lien essentiel de manière à obliger tous ceux qui parlent la même langue à former une nation. « L’identité de langage – dit Georges Bry – qui enseignait à Aix il y a trente-cinq ans, est sans doute un élément important, mais il n’est pas décisif… ».

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